Le craquement, des os qui frottent ?

En voilà une idée reçue que j’aime tout particulièrement et que j’entends souvent de la bouche des patients ! En général suit le traditionnel « se faire craquer les os déforme les doigts ! Cela donne de l’arthrose ! »

Le craquement est un bruit que vous pouvez entendre pendant une consultation. Il résulte de techniques à haute vélocité et faible amplitude (HVBA). Il existe bien entendu différentes sous catégories de ces techniques mais mais elles ont toutes un point commun : la cavitation. Il s’agit d’un processus physique où une bulle de gaz se forme lorsque l’on induit une dépression dans un espace clos (par exemple une articulation baignée de liquide synovial, c’est à dire l’huile lubrifiante comme dans un moteur).

C’est une étude de 2015 qui a permis de constater ce phénomène dans nos articulation. Puisqu’une image vaut mieux qu’un long discours, regardez cette petite vidéo captée par IRM. Vous verrez la bulle se former puis éclater (le petit point blanc au milieu de l’image).

Mais les os peuvent-ils frotter alors ? Oui, dans une certaine mesure. En conditions normales, nos cartilages permettent aux os de glisser les uns avec les autres : ceci nous permet des mouvements silencieux, fluides et indolores. Toutefois, ci ce cartilage s’use dans une trop grande proportion, il peut disparaitre. Les os frottent alors les uns contre les autres. Le mouvement devient alors douloureux et perd en fluidité. L’arthrose est toutefois un processus physiologique lié à l’âge, il ne faut pas le considérer comme une fatalité. Certaines activités ou métiers peuvent toutefois accélérer ce processus.

Mais se faire craquer les doigts ou d’autres zones du corps peut-il alors favoriser cette fameuse arthrose ?

Non, pas de risque de ce côté ci apparemment. Un médecin (Donald Unger) avait par ailleurs tenté l’expérience : il fait craquer les doigts d’une seule de ses mains pendant 60 ans et, radios à l’appui, n’a pas constaté d’arthrose prématurée. Ceci lui a valu un Ig Nobel de médecine en 2019 (l’équivalent du Prix Nobel récompensant les études les plus absurdes mais aboutissant à des connaissances intéressantes).

Toutefois, un seul sujet ne permet pas une grande fiabilité des résultats. C’est ainsi qu’une étude publiée en 2011 a été menée sur 215 sujets, 135 faisant régulièrement craquer leurs doigts et 80 ne le faisant pas (on a donc ici le groupe contrôle). Des radiographies de leurs mains étaient réalisées régulièrement pendant 5 ans. Ils étaient tous âgés de 50 à 80 ans et aucun signe précoce d’arthrose n’a été décelé chez les « craqueurs ». Les chercheurs avaient néanmoins révélé une tendance au gonflement des doigts chez certains craqueurs par exemple…